Le monochrome c’est la liberté !

Le point de vue de Colorprescription

Par Sabine Le Chatelier Saunier et Claude Vuillermet

Déc 7, 2022

Monochrome jaune : phase de création de l'édition Jaune de Colorprescription

Qui aurait pu penser qu’associer le mot monochrome au concept de liberté soit envisageable ?
Le monochrome, et son acolyte, le total look sous-entendent un usage univoque. Tout le monde à la même enseigne, pas de tête qui dépasse ! Un parti pris imposé “par le haut” – comprendre par les pythies de la mode, les grands créateurs et les bureaux de style.

On revient de loin !

Dans les années 50-60, le monochrome, très en vogue, particulièrement aux USA, était le summum de la convention bourgeoise. La mode s’envisageait alors comme la déco pour la maison, c’était l’affaire des ensembliers ! Sac, chaussure, tailleur, chapeau …et même rouge à lèvres et fard à paupières, devaient être à l’unisson… D’où les formules qui semblent avoir été inventées pour brider le choix de la couleur : « ça ne va avec rien », et son versus, « ça va avec tout » …

Après quoi, les diktats ont fait leur chemin. Un Deus ex machina semblait veiller à ce qu’une couleur différente et unique soit déclarée « star » de la saison. Si l’on n’avait pas été capable d’anticiper son arrivée, et même de l’utiliser, on était complètement « out », exclu(e) du royaume des initiés.

Puis ce fut le tour de la non-couleur et donc du non-choix – hors le noir pas de survie-
On s’autorisait juste quelques dérapages en noir et blanc, en marine néo-japonais, ou en camel BC-BG, ou, soyons fous, en lin blanc immaculé pour l’été ! La séduction absolue, le glamour indispensable, consistait à mettre une touche de rouge vif sur ses lèvres, ou sur les semelles des stilettos. Histoire d’échapper un peu à cette longue période du deuil de la couleur.

L’historique de l’usage des couleurs dans la mode ne semblait donc pas nous conduire à la prise de la Bastille des passionarias de la mode que nous vivons en ce moment.
Car là, tout d’un coup, la couleur surgit de toutes parts. Elle inonde les vêtements, les accessoires, les maquillages – qui n’ont pas peur de proposer des couleurs jusque-là réservées à d’autre usages – et même les aliments et les objets pour la maison.

C’est comme si on avait à dispo une grande boite de tubes de couleur à utiliser de la manière la plus personnelle possible. Pour nous encourager, les marques de maquillage nous proposent d’inventer notre propre palette et de la numériser. Les collections d’accessoires suivent nos desiderata et nous font choisir la couleur des poches et des bandoulières des sacs, des semelles, des lacets et des empeignes des chaussures. Mais ce n’est pas si simple, la composition n’est pas à la portée de tous ! Passer du solfège de base à la composition musicale demande une certaine intention artistique, et un brin d’audace assumée !

phase de création de l'édition Rouge de Colorprescription

“No drama red”, édition Colorprescription #6

Un délice à tartiner !

Dans cette nouvelle approche de la couleur, on assiste au retour victorieux du monochrome. L’usage de la couleur devient un jeu créatif rien que pour soi. Palettes à notre disposition, on range, on classe, on organise par couleur comme on rangerait ses crayons. Des concepts store apparaissent basés entièrement sur la monochromie, tel « Club Couleur » qui choisit des vêtements basiques et fonctionnels et des objets d’usage, pour les plonger dans le même bain de couleur.

Des boutiques vintage, ou axées sur le seconde main, valorisent les vêtements par une mise en scène monochrome, digne d’une galerie de tableaux. Les époques se mélangent et se répondent dans un chaos bien léché. Loin des clichés sur la fripe, du souvenir des boutiques bariolées et malodorantes, la monochromie apaise et « designe » ce désordre. Et nous, addicts à la couleur, on en profite pour associer notre pull violet d’il y a deux ans,
dont on ne voulait plus, aux sneakers violets, trouvés sur Vinted, qui nous ont fait craquer.

Grace au monochrome, médiateur de couleur, la couleur s’est démocratisée, désacralisée, elle devient ludique, on peut tout tenter car, enfin, elle nous appartient!

Edition GRIS Coloprescirption

“Grey matters”, édition Colorprescription #7

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