La teinture naturelle à la Quinzaine du Japon en Occitanie

Par Delphine Talbot
Chercheur en design couleur et sensoriel, spécialisée en teinture végétale et performeur culinaire

Déc 14, 2023

Un homme japonais devant des cuves de teinture textile - photo Delphine TALBOT

La Quinzaine du Japon en Occitanie a pour but de célébrer, renforcer et développer les relations franco-japonaises notamment dans les domaines de l’économie, de la culture, de l’enseignement, de la recherche et du sport. Le 22 novembre 2023, dans le cadre d’une demi-journée de conférence sur les liens interculturels et sur une invitation de la Région et de l’association CRICAO, j’ai choisi d’aborder la question de l’art textile d’une part, et de résidences artistiques de création ayant pris place à Okinawa ces dernières années.

J’ai donné une conférence sur les pratiques de coloration textiles issues de végétaux locaux, proposant la notion de territoires, voire de terroirs, chromatiques, grâce à la présentation de résultats d’études de terrain que j’ai effectuées depuis 2004, et jusqu’à aujourd’hui au Japon, incluant les îles des Ryukyus et Okinawa. L’un des objectifs de cette présentation était de valoriser le travail de nombreux artisans japonais impliquant des plantes tinctoriales locales : de la culture du végétal à l’atelier de pratique, jusqu’à la production de textiles destinés à la fabrication de kimonos. A partir de la classification des domaines de couleurs proposée par Sachio Yoshioka (Dictionnaire des couleurs du Japon) j’ai développé chaque champs chromatique en m’appuyant sur la présentation de techniques tinctoriales et tisserandes locales, la plupart du temps insulaires (îles des Ryukyus, île de Hachijo près de Tokyo), avec quelques récits sur des pratiques occurant à Kyoto et aux alentours de l’ancienne capitale japonaise, dans les montagnes. La qualité des teintes, leur origine végétale, parfois même animale, et la singularité des motifs, des effets de surface (brillance, matité, vibrance…), le soin des gestes tout au long du processus (cultiver, filer, extraire, teindre, tisser, patiner…), tout concourt à la création de coloris uniques, qui exemplifient un patrimoine chromatique très varié et toujours vivant, grâce aux humains qui engagent leur vie dans leur art, par amour du textile. Il s’agit d’une véritable poétique de la couleur japonaise qui se dessine grâce à cette approche située de la couleur.
cuve de teinture - delphine talbot
J’ai aussi fait la présentation des actions menées lors d’une résidence artistique à Okinawa en 2019, lors de laquelle j’ai donné quelques ateliers de teinture végétale dans des milieux scolaires ; coordonné une “battle” entre deux chefs cuisiniers aux esthétiques et techniques très opposées, en investissant leur caractéristiques de mode conceptuel et imposant quelques aliments bruts à travailler. Enfin la performance de design culinaire qui a eu lieu à la fin de cette résidence, en collaboration avec plusieurs chefs de l’île, a été présentée du point de vue du récit construit autour de Shimi pratique rituel réalisée pour les ancêtres en avril à Okinawa, qui se manifeste principalement par le fait de faire des offrandes et de manger près des tombes, en famille. Le scénario du KatchaKatcha pour Okinawa, qui a pris place dans un ancien Drive in constitué de plusieurs salles, consistait en la matérialisation chromatique, sensorielle et culinaire de la traversée de l’âme, depuis la mise en terre du corps jusqu’à sa réincarnation. Traversées imaginées et inspirées par la culture japonaise en termes de croyances et de pratiques autour de la mort, cette performance fut l’occasion d’explorer les potentiels d’une expérience sensorielle, grâce à divers procédés immersifs (lumière, température, sensations tactiles, humidité…).
delphine talbot : soie teinte au kobunagusa
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